Jean-François Vilar - Paris, la nuit



Poursuite de notre évocation aléatoire des publications de Jean-François Vilar. Il s'agit cette fois d'un ouvrage co-signé avec le photographe Michel Saloff et publié dans le cadre de la collection Le Piéton de Paris, dirigée par Dominique Balland aux Éditions ACE. Collection un peu datée (dans la maquette et les couvertures), mais qui offre six ouvrages intéressants, avec à chaque fois la confrontation entre un auteur et un photographe sur un thème imposé. Le casting est réussi, comme on en jugera : Robert Doisneau et Bernard Delvaille sur les passages et galeries du XIXe siècle ; Janine Niepce et Hubert Juin sur les fontaines et bassins de la capitale ; Sabine Weiss et Clément Lépidis sur les marchés et foires ; Édouard Boubat et Bernard Noël sur jardins et squares ; Marc Riboud et Jacques Réda sur les gares ; et enfin, celui qui nous intéresse, Michel Saloff et Jean-François Vilar sur la nuit.

Le livre date de 1982, et à ce moment-là, Vilar n'a publié qu'un livre, son premier roman, le formidable C'est toujours les autres qui meurent. Disons-le tout de suite, il n'y a pas de réel dialogue entre le texte et les photos - en couleurs (première erreur), un rien clinquantes et abusant des effets de filés. De nombreux lieux évoqués par Vilar sont d'ailleurs absents. Mais peu importe, puisque ce qui nous intéresse, c'est en premier lieu le texte. Le prétexte est une balade de l'auteur (imaginée ou non, on ne sait trop) à travers son Paris nocturne. Le narrateur part de la rue de Nuit, forcément, ou plutôt de son souvenir, dans l'ancien quartier de Bercy (en 1982, le POPB est en train de sortir de terre) pour terminer rue Campagne-Première, à Montparnasse - une rue où ont vécu Modigliani, Rilke, Chirico, Verlaine et Rimbaud, Man Ray, Kiki, Aragon et Elsa, Marcel Duchamp, un certain Michel Poicart et aussi Eugène Atget. Entre les deux, selon le principe du maraboutdeficelle ou du cadavre exquis, ou même du coq à l'âne, on sera passé par la rue du Jour, la place Vendôme, la rue du Faubourg-Montmartre, Montparnasse, la rue Saint-Denis, le métro, la République, la Bastille... Dans cette balade désenchantée, où Vilar ressasse un certain dépit face face à diverses dérives de l'urbanisme contemporain (avec les grands projets mitterrandiens, les années 80 n'ont aps été tendre avec la ville), on retrouve tous les quartiers fétiches de l'auteur et on croise quelques-unes des silhouettes du passé qui hantent ses romans. On retrouve aussi son goût tout particulier pour les lieux marqués par l'histoire des luttes sociales et par les révolutions. Bref, les lecteurs de Vilar ne sont pas dépaysés par ce texte sensible, érudit et poétique.

On reproduit la dernière photo du livre où, comme par magie, Vilar et Saloff sont soudain raccord.




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