Le Chasseur de Chevelures





C'est en lisant les (un rien décevants) Souvenirs des jours sans souci de Gabriel de Lautrec, auteur dont on a déjà parlé, qu'on a découvert l'existence de ce Chasseur de Chevelure, supplément de la fameuse Revue Blanche. On a trouvé ici un historique aussi fiable que complet de cette réjouissante publication.
À l'origine, il y a un journal humoristique du même nom créé en 1892 par Tristan Bernard - et entièrement rédigé par lui. Il ne connaîtra que trois numéros, s'arrêtera et reverra le jour l'année suivante, sous la forme d'un supplément de la Revue Blanche - animé par Tristan Bernard et Pierre Veber. Ce supplément durera lui-même le temps de dix-sept parutions entre 1893 et 1894.
Ce qui est amusant, c'est que les évocations de la fameuse revue ne font presque jamais allusion à ce supplément. On loue avec raison le rôle fondamental que la Revue Blanche joua dans la vie intellectuelle parisienne et française du tournant XIXe / XXe siècle, publiant la plupart des auteurs majeurs de l'époque, qu'ils soient consacrés ou en devenir, et prenant part à tous les combats politiques de ce temps. Mais on sent que les potacheries de Bernard et Veber font tache et qu'elles gênent ; du coup, l'existence du Chasseur de Chevelures (quel titre !) est passée sous silence.
On a parcouru tout cela sur Gallica, et c'est fort réjouissant - de la grosse déconnade intelligente et cultivé, pour faire vite. Le tout formerait un joli petit volume. On en propose deux morceaux choisis, de bonne tenue et aléatoirement sortis du lot. Pour le second, il faut cliquer sur l'image...


ÉTAT CIVIL
Des Héros de Roman

Le Bulletin de Statistique municipale publie cette semaine un fort intéressant travail sur la mortalité des héros de poème et de roman. Constatation rassurante : jamais le chiffre des décès n'a été aussi faible qu'à l'heure actuelle. Il est bien au-dessous de la moyenne des années 1875-1885 (période réaliste), moyenne supérieure à celle de la période parnassienne, mais bien inférieure au rendement rendement minimum des années élégiaques.
C'est dans la période élégiaque que la tuberculose a fait les plus grands ravages. Par contre, une une bonne partie des rubriques de décès, dans la période réaliste, se classent parmi les affections cutanées et secrètes.
Dans le même temps, les névroses de toute sorte, les maladies des femmes, firent beaucoup de victimes, depuis les accidents puerpéraux jusqu'à la chlorose des jeunes filles.
La période symboliste a grossi dans des proportions notables le total de cette rubrique : décès dont la cause est indéterminée.
C'est d'une façon assez uniforme que les héroïnes des poèmes nouveaux s'affranchissent de la vie : elles pâlissent et tombent généralement à la renverse, toutes droites. Leur cas n'est d'ailleurs commenté par aucune considération pathologique. Succommbent-elles à la rupture d'un anévrisme ? à une embolie ? à une congestion ou à une indigestion ? Les rapports sont muets sur ce point.
Les suicides et les morts violentes, si fréquentes à l'époque romantique, se font rares de plus en plus. Les élégiaques, souvenez-vous-en, gémissaient en conscience, mats il leur arrivait rarement de se tuer. Le suicide étant un dénouement, les réalistes n'en voulurent qu'en des occasions peu fréquentes. Les symbolistes, ayant à leur disposition le genre de mort, vague et expéditif, cité plus haut, dédaignèrent d'user du revolver des boursiers, du sumac des Indiens, des ancillaires bouts d'allumettes, de la strychnine-tandem des couples amoureux, ou de la ptomaïne des Hommes d'Etat.
Le chiffre des naissances naturelles a beaucoup décru depuis la période romantique. D'ailleurs actuellement les registres ne font plus la distinction des deux sortes de filiation. Le nombre des mariages et celui des adultères restent à peu prés stationnaires. Celui des incestes est encore très faible.



Commentaires

  1. Tré drol. Ce qui me surprend, c'est la modernité du ton (poncif). Merci pour ce billet, éditeur.

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