Fabrice Gaignault - Aspen Terminus (2)



On a enfin lu ce petit livre dont, avouons-le, on sort un peu frustré et agacé.
Rappelons qu'il revient sur l'affaire criminelle au centre de laquelle se retrouva Claudine Longet, la Michèle Monet de The Party de Blake Edwards et la chanteuse qui jouait de son filet de voix susurrant au fil de disques désormais objets de culte dans le monde entier. En 1976, dans la célèbre station de ski d'Aspen, Claudine Longet tua d'un coup de pistolet son amant - qui n'était autre que le champion américain de ski Vladimir Peter Sabich, dit "Spider". L'affaire passionna les États-Unis. Crime passionnel ? Accident ? On ne le sut jamais. À la suite du procès, la chanteuse fut déclarée coupable d'homicide par négligence et condamnée à trente jours de prison et deux ans avec sursis.
Trente-cinq après, Fabrice Gaignault rouvre le dossier.
Ceux qui, comme nous, s'attendaient à une célébration de Claudine Longet en seront pour leur frais. Quant aux fans de la chanteuse, ils risquent même d'être un peu heurtés : Gaignault a une vision très trash de ce qu'elle incarne, de son style et de sa voix - la voix d'une "fellatrice en socquettes" ; il voit dans ses chansons des "comptines de salopes ou presque pour la bite de types que ces mots doux faisaient durcir". On se permettra de ne pas être d'accord. C'est le côté agaçant du livre : la propension de l'auteur à se la jouer gonzo (voire à singer un peu Philippe Garnier), à chercher systématiquement le cul et la drogue sous l'apparence policée des choses. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si on le sent plus intéressé par Hunter S. Thompson, qui avait sa maison à Aspen, que par Claudine Longet.
La réussite de ce bouquin (dont on n'a toujours pas compris pourquoi il est présenté comme un roman) est à chercher dans le récit qui se dessine en creux, avec l'échec annoncé de l'entreprise qu'il entend relater. Dès le départ, même s'il ne le dit pas et ne se l'avoue pas, Gaignault sait qu'il ne découvrira rien d'intéressant ni de nouveau. Il contacte des gens, il en rencontre certains, mais se heurte presque systématiquement à des murs et des silences. Quand il arrive à Aspen - où il ne reste que cinq jours, ce qui est un peu léger au demeurant -, il a déjà compris que son projet n'aboutira à rien de concret. Il passe donc le plus clair de son temps à bavarder avec James Salter, à rêvasser devant les maisons de Jack Nicholson ou de Hunter Thompson, à fantasmer sur le Aspen des années 70, à rencontrer certains de ses acteurs, décatis ou alcoolisés. Notre French Gonzo va ainsi se forger son avis sur l'affaire "Spider". On ne donnera pas la conclusion à laquelle il arrive, mais on est d'accord avec lui.

addendum : Fabrice Gaignault devrait lire les Lettres de Raymond Chandler, notamment les passages consacrés aux comparaisons et à leur pertinence.

addendum 2 : entre 1967 et 1972, Claudine Longet a sorti sept albums (des reprises, uniquement, de chansons de l'époque) qui, s'ils ne sont pas des chefs-d'oeuvre, ont un charme indéniable. Ils bénéficient pour les quatre premiers de la production de Tommy LiPuma et des arrangements de Nick De Caro. Autrement dit ce qui se faisait alors de mieux.








Commentaires

  1. Cher Monsieur,

    J'aime bien votre blog et l'atmosphère qui s'en dégage ainsi que vos choix parfois...singuliers. En ce qui concerne mon livre,vous avez sans doute raison, il a des faiblesses. Cette histoire impose peut-être les limites du genre. Cependant j'espère avoir réussi à faire passer un souffle par l'écriture qui m'a demandé beaucoup de travail mais aussi par les rencontres parfois étranges, et enfin par ce qui passe aussi entre les "fantômes d'une ville" et les miens. Cette mémoire convoquée déjà dans "Egéries Sixties".
    Bien cordialement,
    Fabrice Gaignault

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  2. Cher FG - comme je le dis, j'ai été un peu énervé par la façon dont vous traitez Claudine Longet, énervement qui a déteint sur ma lecture et son rapide compte-rendu. C'est une fois le livre terminé que j'ai compris ses enjeux véritables, son vrai sujet. J'étais entré par la mauvaise porte... Merci d'être passé ici !

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